Impact du projet sur la biodiversité
Conférence 17 juin à Montbelleux
Un botaniste et écologue a présenté un bilan des impacts du projet sur la biodiversité. Ce projet impacterait 9 ha de boisement en partie ancien et 5 ha de prairie permanente. Ces deux éléments paysagers sont justement parmi les plus menacés du paysage, participant à une disparition de 89% des populations d’oiseaux de milieu agricole en 10 ans, et 51% pour les espèces forestières (période 2003-2013, Lorrilière et Gonzalez, 2016).
Des telles destructions de milieux naturels et agricoles provoquent des extinctions de biodiversité locales, celles-ci s’additionnant pour mener à l’effondrement global que l’on connait aujourd’hui. L’IPBES, équivalent du GIEC pour la biodiversité, dresse le bilan suivant : « Dans les écosystèmes terrestres et d’eau douce, le changement d’utilisation des terres est le facteur direct ayant eu l’incidence relative la plus néfaste sur la nature depuis 1970. » (Résumé à l’intention des décideurs du rapport de l’évaluation mondiale de l’IPBES, 2019).
La présentation a également abordé l’opportunité du projet photovoltaïque du point de vue de son empreinte carbone. Si un tel projet ne participe même pas à économiser du carbone (son unique but), alors il n’a plus d’utilité publique. Pour discuter cette question, nous avons utilisé le schéma générique suivant. Tout projet de construction de grande envergure, même réputé écologique, commence par polluer (fabrication, transport etc. émettent des gaz à effet de serre). C’est ce que l’on appelle l’« énergie grise », vouée à être compensé au cours du temps.
Dans le contexte du projet affiché de déboisement et de destruction de prairies permanentes, qui sont justement les deux stocks de carbone/ha les plus efficaces dans le paysage (INRA, 2020, Stocker du carbone dans les sols français), une « dette verte » vient s’ajouter à l’énergie grise. Il s’agit du rejet de carbone par la déforestation et le remaniement du sol des prairies. Est-on, sur le schéma ci-dessus, dans le cas de figure où l’économie de carbone arrive au bout de quelques années (courbe supérieure) ou bien la « dette verte » est-elle trop importante pour que l’on économise un jour du carbone (courbe inférieure = projet contre-productif) ?
Pour être au clair sur cette question, on peut réaliser un bilan chiffré : l’ADEME a mis au point la méthode du bilan carbone d’un projet à disposition des porteurs de projets1. Cette méthode utilise notamment les chiffres de l’INRA pour évaluer la quantité de carbone contenue dans les différents milieux naturels, et donc relarguée en cas de destruction. L’énergie grise est également prise en compte selon le type de projet envisagé. A titre d’exemple, ce type d’étude, réalisé par le promoteur Urbasolar dans le cadre d’un projet dans à Rion-des-Landes est disponible au lien ci-dessous (Bilan énergétique et carbone, 20162).
Lors de la réunion, les mesures de compensation envisagées par le projet ont aussi été débattues. En effet, des boisements compensateurs plantés simultanément au déboisement, n’assureraient le même stockage du carbone que plusieurs dizaines voire centaines d’années après, une fois les arbres développés et le sol forestier formé. N’oublions pas que la forêt est le milieu naturel le plus long à se mettre en place ! Par ailleurs, à cause de ce déphasage temporel entre destruction/compensation il n’y aurait aucune possibilité de transfert pour la biodiversité forestière vers le « nouveau boisement ». Or la règlementation impose que la compensation soit effective dès les premiers impacts sur les milieux et espèces3.
1 https://bilans-ges.ademe.fr/
2 https://sitelec.org/download.php?filename=cours/cancel/photovoltaique/urbasolar.pdf
3 https://www.ecologie.gouv.fr/eviter-reduire-et-compenser-impacts-sur-lenvironnement
Par ailleurs, la plantation d’arbres n’est pas équivalente à un boisement naturel comme le bois de Montbelleux en termes de biodiversité. Une plantation est un élément artificiel du paysage, qui peut évoluer vers un état naturel si on le laisse en libre évolution pendant assez longtemps, le temps que la végétation spontanée remplace les essences plantées. Au vu de tous ces éléments, il paraît irréaliste de « compenser » la perte d’un boisement ancien comme celui du Haut Montbelleux à l’échelle de temps d’un projet photovoltaïque, et ce autant du point de vue de la biodiversité que du carbone. Nous sommes apparemment dans le cas d‘« impacts sur des éléments de la biodiversité qui ne peuvent pas être remplacés », qui doit conduire à «repenser le projet » dans la démarche éviter, réduire, compenser en vigueur 3.
A l’issue de ces discussions, de nombreuses personnes du public présentes à cette réunion ont manifesté leur attente que le projet soit évalué du point de vue énergétique, et qu’a minima soient envisagés plusieurs sites d’implantation qui pourraient présenter un impact climatique, naturel et patrimonial moindre que cette zone du Haut Montbelleux. Les riverains, l’association 3M et leurs soutiens seront particulièrement attentifs à ce que ces éléments soient considérés sérieusement dans la future étude d’impact de changement de statut au PLU de la zone.